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Air du temps

REFLEXION SUR L'EVOLUTION DU MONDE

1er décembre 2022

Le monde d’après

« le jour d’après,…ce ne sera pas un retour au jour d’avant »

Emmanuel Macron, 16 mars 2020

En cette première moitié du 21ème siècle, l’évolution du monde est particulièrement inquiétante à court, moyen et long terme, tant en ce qui concerne notre incapacité à prendre en compte l’urgence climatique qu’en raison du retour en force des forces antidémocratiques.

Les manifestations du changement climatique (vagues de chaleurs, sécheresses de longue durée, inondations catastrophiques…) sont de plus en plus fréquentes et intenses. Nul ne peut plus les ignorer ni fermer les yeux sur les conséquences de la montée des eaux et de l’érosion de nombreuses lignes de rivage. A ce mouvement de fond s’ajoute une série de crises à l’échelle mondiale.

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Le monde à la fin du 21ème siècle selon le GIEC (AR6), avec une augmentation de la température moyenne planétaire de 4°C, un scénario que nous ne pouvons écarter si nous ne prenons immédiatement en compte l’urgence climatique et agissons en conséquence.

Tout d’abord, la pandémie de la Covid-19. Elle a emporté de nombreuses vies et gravement affecté celle de milliards d’hommes et de femmes. Elle met en cause les fondements d’une économie basée sur une mondialisation incontrôlée des échanges, profondément dé-structurante pour les économies à l’échelle nationale ou européenne, soulignant leur extrême dépendance en matière de santé, de vivres, ou de matières stratégiques. Ensuite, la guerre déclenchée par la Russie en février 2022 pour envahir l’Ukraine. Elle s’accompagne d’une interruption de l’approvisionnement en gaz russe d’une bonne partie de l’Europe, et d’une envolée spéculative du coût de l’énergie en Europe et dans le monde. Elle menace l’activité économique de nombreux pays risquant de déclencher une nouvelle vague de délocalisations vers les zones du monde où l’énergie est moins chère (Etats-Unis…). Enfin, le renforcement des dictatures et le développement de gouvernements d’extrême droite tant en Europe qu’en Asie ou en Amérique, ce qui ne laisse pas d’inquiéter les partisans de la démocratie.

Dans ce contexte, où va le monde d’après la Covid-19?

Le monde en 2040 selon la CIA

La Central Intelligence Agency (CIA) est coutumière de la publication d’un rapport de prospective sur l’avenir du monde à chaque élection présidentielle étatsunienne. Est particulièrement intéressant celui élaboré au moment de l’élection de John Biden, donc en plein développement de la pandémie de la Covid-19 mais avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.

 

Cinq scénarios sont envisagés d’ici à 2040.

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Nombre d’accords commerciaux en vigueur en 2021. Cette figure met en évidence le rôle crucial de l’Europe et des grands ensembles (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Chine, Inde, Russie, …) au niveau mondial, au détriment de l’Afrique (Crédit : OMC).

Intitulé « La renaissance des démocraties », le premier scénario, particulièrement optimiste, prévoit que, dans le sillage des Etats-Unis et des démocraties alliées, de rapides progrès technologiques transforment positivement l’économie mondiale et accroissent les accords commerciaux (figure ci-dessus). Toutefois, le développement spectaculaire des moyens de contrôle et de surveillance individuelle et collective grâce aux moyens digitaux, en Chine et en Russie, freinent l’innovation.

Dans le second scénario, le système international devient chaotique dans « Un monde à la dérive ». La croissance des pays de l’OCDE s’effondre, entrainant l’explosion des inégalités sociales et une paralysie politique des démocraties. La Chine profite des difficultés de l’Occident pour étendre son influence internationale.

Dénommé « La coexistence compétitive », le troisième scénario imagine que les Etats-Unis et la Chine s’accordent finalement de facto pour relancer la croissance économique et rétablir une relation commerciale solide tout en développant une concurrence en matière d’influence géopolitique, de modèles de gouvernance, et de domination technologique.

Le quatrième scénario, intitulé « Des silos séparés », est particulièrement pessimiste. Axé sur la recherche de l’autosuffisance, de la résilience et de la défense, le monde se fragmente en plusieurs blocs économiques et sécuritaires de taille et de force variables, comprenant notamment les

Etats-Unis, la Chine, l’Union Européenne, la Russie et quelques puissances régionales qui contrôlent leurs réseaux cybernétiques et leurs chaînes d’approvisionnement. Les pays en développement, plus vulnérables, en font les frais.

Le dernier des scénarios et non le moindre est dénommé « Tragédie et mobilisation ». A la suite d’évènements catastrophiques d’origine climatique et suite à l’effondrement des ressources terrestres et marines, la lutte contre le changement climatique, contre l’épuisement des ressources, et contre la pauvreté s’organise dans le cadre d’une coalition mondiale menée par l’Union Européenne et la Chine. Des économies à faible émission de carbone se mettent en place et les pays les plus riches aident les pays les plus pauvres pour organiser la transition énergétique et écologique. Les Etats-Unis, l’Australie et le Canada rejoignent le mouvement. De nouvelles institutions internationales ouvertes aux Etats et aux acteurs non étatiques (ONG,…) sont mises en place. Donc, un monde dominé par les forces de l’espoir…

Le monde d’après du GIEC

Il est intéressant de comparer les scénarios de la CIA, et ceux du GIEC qui eux aussi simulent l’évolution de nos sociétés mais jusqu’à la fin du 21ème siècle. D’ici à 2100 le monde aura connu des changements qu’il est difficile d’imaginer (étions-nous en 1900 capables de prédire le monde de l’an 2000 ?).

C’est cependant un exercice utile car il permet aux décideurs de savoir sur quels facteurs agir pour faire évoluer la situation dans un sens ou dans un autre. S’agissant des scénarios du GIEC je reprends ici ceux explicités dans les rapports antérieurs à 2001 (3) car ils sont beaucoup plus accessibles pour les non spécialistes que ceux implicites dans les rapports postérieurs à cette date (figure ci-dessous, à gauche et à droite).

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Le monde d’après selon le GIEC : conséquences de différents scénarios économiques en terme de flux de carbone ou de CO2. Prévisions publiées en l’an 2000 (à gauche) et en 2014 (à droite). Pour retrouver les flux de carbone à partir de ceux exprimés en CO2 il suffit de diviser par 3,67 ; par exemple un flux de 100 Giga tonnes de CO2 par an correspond à un flux de 27,3 Giga tonnes de carbone par an). RCP = Radiative Concentration pathway= Trajectoire du forçage radiatif dû aux gaz à effet de serre.

Pour le GIEC trois facteurs interviennent particulièrement dans la simulation du monde d’après : l’évolution démographique, la nature et le type de développement économique et l’évolution technologique en faveur des énergies renouvelables et du recyclage. S’agissant des flux de CO2 (et plus généralement des gaz à effet de serre) générés par les activités humaines, est évidemment crucial l’abandon des énergies fossiles au profit des renouvelables. Quant à l’évolution géopolitique du monde les échanges économiques sont soit mondialisés au sens large ou au contraire basés sur des relations entre les régions économiques (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe, Chine, Moyen-Orient, etc…, cf. première figure ci-dessus).

Le scénario B1 du GIEC 2000 est particulièrement performant : il aboutit à des réductions drastiques des flux de CO2 émis à la fin du 21ème siècle (6 GT C/an, contre 7 en 1995). Il correspond à un monde convergent avec une population mondiale culminant vers 2050 et déclinant ensuite. Il se caractérise par (1) des changements profonds dans les structures économiques, (2) le remplacement rapide des énergies fossiles par les énergies renouvelables, (3) le recyclage intense des matériaux, et (4) l’introduction de technologies propres et utilisant les ressources de manière efficace. Ce scénario met l’accent sur des solutions concertées à l’échelle mondiale, orientées vers une viabilité économique, sociale et environnementale. Il inclut la réduction des inégalités entre les régions du monde. D’autres scénarios (B1, B2) où l’accent est mis sur les solutions « régionales » s’avèrent au total nettement moins performants pour réduire massivement les flux de gaz à effet de serre à la fin du 21ème siècle.

Si l’on veut drastiquement contenir le réchauffement climatique on voit tous les risques que présente le fractionnement du monde en « silos » (scénario n°4 de la CIA). La guerre d’Ukraine vient d’accentuer fortement son évolution dans ce sens. Si l’on veut retenir un effet positif de ce conflit on soulignera toutefois qu’il est en train de provoquer une accélération de la transition énergétique vers l’utilisation massive des énergies renouvelables aux dépens des énergies fossiles, en tout cas pour l’Europe.

Quoiqu’il en soit, ce que sera le monde d’après ne dépend que de nous.

Plus que jamais, l’avenir nous appartient !

Références :

  1. https://ubocloud.univ-brest.fr/apps/files/?dir=/Conf%C3%A9rences%20partag%C3%A9es&fileid=8995650

  2. Le monde en 2004 vue par la CIA. Editions J’ai Lu, 2022

  3. Rapport spécial du GIEC, Scénarios d’émissions, GIEC, 2000, ISBN : 92-9169-213-1

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