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Air du temps

REFLEXION SUR L'EVOLUTION DU MONDE

1er mai 2023

Pôles et climat

Si loin, si près…

Qui ne rêve des îles Kerguelen, de Dumont d’Urville (Antarctique, de Ny Alesund (Spitzberg) ou du Groenland ? Ceux d’entre nous qui ont eu la chance d’y vivre des aventures s’en souviennent avec de la chaleur dans le cœur et le regard qui brille. Ils savent combien les régions polaires sont loin de l’Europe. Mais ils ont aussi appris leur importance pour le climat de la planète Terre et combien les impacts des perturbations climatiques qu’ils subissent vont directement concerner le reste de la planète, où que nous soyons.

C’est un des thèmes du colloque Intitulé « Les pôles, entre réchauffement climatique et froid diplomatique ». Il s’est tenu le 23 février à Paris (Sorbonne Université) aux bénéfices des élèves de l’Ecole Navale de Lanvéoc-Poulmic. J’y ai contribué par une conférence sur les aspects scientifiques du problème dont cet Air du temps résume les points principaux. Le texte et les visuels de cette conférence sont disponibles sur le cloud (1).

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Figure 1 : Les océans polaires sont les deux principaux moteurs de la circulation océanique mondiale, ici simplifiée sous forme d’un « tapis roulant océanique ». Les eaux froides et denses (en bleu) de la Mer de Norvège, du Groenland, et du Labrador alimentent des plongées d’eaux profondes qui s’écoulent vers l’Atlantique Sud. Le long de l’Antarctique elles reçoivent les apports des plongées en mer de Weddell et de Ross avant de s’écouler dans les abysses de l’océan Indien et de l’océan Pacifique nord où elles remontent en surface pour alimenter des courants chauds de surface (en rouge) qui, au terme de leur périple mondial, viennent en Atlantique et, via le Gulf Stream, atteignent la mer de Norvège. Il faut environ 2000 ans pour faire le tour du tapis roulant (crédit : One Ocean Summit, Brest, 2022).

Puits de chaleur et de gaz carbonique 

 

On sait que l’océan est le maître du climat. Il interagit en effet avec l’atmosphère pour échanger chaleur et gaz à effet de serre. On sait que l’océan absorbe plus de 90% de l’excès d’effet de serre engendré par l’activité humaine depuis de début de l’Anthropocène et qu’il absorbe environ le quart des rejets anthropiques annuels de CO2.

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Figure 2. On sait que l’océan absorbent une bonne partie du CO2 émis par les activités humaines (puits de CO2 cumulatif de 1861 à 2005, en mol m-2) et de l’excès d’effet de serre généré par ces activités (puits de chaleur cumulatif de 1861 à 2005, en 109 J m-2). A eux seuls les océans polaires représentent 80% du puits de chaleur et 50% du puits océanique de C02 (Crédit : One Ocean Summit, Brest, 2022).

Dans cette régulation, avec ses immenses plongées d’eau froide et dense (Figure 1) qui absorbent chaleur et gaz, les océans polaires jouent un rôle crucial. Comme le montre la Figure 2, les océans polaires contribuent pour 80% au puits océanique global de chaleur et pour 50% au puits océanique global de CO2. Au sein des océans polaires, dans ces transferts de chaleur et de gaz, l’océan Austral joue le rôle majeur.

 

La banquise arctique va-t-elle disparaître en été ?

 

Les deux régions polaires ont récemment connu des anomalies de température spectaculaires. La température moyenne annuelle au pôle Nord est normalement de -40°C en hiver et de 0°C en été. La banquise (glace de mer) peut donc fondre en été.  Par rapport à la période 1979-2000, le jour où l'Antarctique affichait un écart de 4,8 °C par rapport à sa moyenne, l'Arctique affichait un écart global de 3,3 °C. Selon la NOAA les deux extrémités du globe se réchauffent plus vite que le reste du monde, en particulier l'Arctique pour lequel ce réchauffement est 2 à 3 fois plus rapide qu'ailleurs. L’effet sur la banquise arctique en été est tout à fait spectaculaire (Figure 3) avec une diminution de l’ordre de 50% de son extension. Quelquesoient les scénarios envisagés par le GIEC, d’ici 2050 il est très probable que la banquise arctique soit ramenée à sa plus simple expression pour au moins un été.

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Figure 3. L’océan Arctique est en première ligne du changement climatique. La diminution de l’extension de la glace de mer en été est directement corrélée aux émissions anthropiques de CO2 depuis le début de l’Anthropocène (1850). (Crédit : One Ocean Summit, Brest, 2022).

A noter que la diminution de la banquise arctique est corrélée aux émissions anthropiques cumulées de CO2 depuis 1850 (Figure 3). On ne peut donc pas douter que ceci résulte, non pas d’un phénomène naturel, mais de l’impact des activités humaines. Le phénomène est en fait cumulatif. Plus la banquise fond, moins le flux d’énergie solaire est renvoyé vers l’espace (albedo, Figure 3) et plus il pénètre dans l’océan, accélérant la fonte de la glace de mer.

La fusion des calottes polaires

Les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique sont-elles affectées par le changement climatique ? La réponse est oui et particulièrement pour celle du Groenland. Agée de plus de 30 millions d'années, elle couvre 1,7 million de km². Elle a perdu 4 700 milliards de tonnes en l’espace de vingt ans, contribuant à elle seule à une hausse des océans de 1,2 centimètre. « Les données montrent que la majorité de la perte de glace se produit sur les bords de la calotte glaciaire, où des observations indépendantes montrent que la glace se rétrécit, que les fronts glaciaires reculent dans les fjords et à terre, et que la fonte est plus forte à la surface de la glace » (2), souligne le Polar Portal (3).

La côte ouest du Groenland est particulièrement concernée mais pas seulement (Figure 4). Pour ce qui est de la calotte glaciaire de l’Antarctique, âgée de 34 millions d’années, l’évolution est plus complexe (4). L’inlandsis Ouest-Antarctique est clairement affecté (Figure 4) Toutefois, le temps d’observation de la masse totale de la calotte antarctique est actuellement insuffisant pour être certain du bilan de masse à l’échelle de l’Antarctique.

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Figure 4. Les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique subissent les effets du réchauffement climatique. Ceci est particulièrement net pour le Groenland  et pour la partie ouest de la calotte Antarctique. Si la tendance actuelle actuelle de la fusion de la calotte glaciaire de l’Antarctique se confirmait, les conséquences pour l’élévation du niveau de la mer seraient considérables, bien au-delà des prévisions du GIEC (Crédit : One Ocean Summit, Brest, 2022).

Les calottes glaciaires ont une dynamique lente et en principe l’effet de leur fusion sur l’élévation du niveau de la mer est largement inférieur à celui de la dilatation de l’eau par réchauffement ou même à celui dû à la fusion des glaciers terrestres. Cependant, avec l’accélération de la fusion du Groenland, les calottes polaires interviennent maintenant en deuxième ligne dans les causes de l’élévation du niveau de la mer (Figure 4) qui est sensible à l’échelle planétaire. Si la fusion de la calotte antarctique devait s’accélérer les prévisions du GIEC pourraient être largement dépassées (Figure 4) et le niveau moyen des mers s'élevait de plus de un mètre à la fin de ce siècle .

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