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Adrien De Gerlache de Gomery

(1866 - 1934)

https://fr.wikipedia.or/wiki/Adrien_de_Gerlache_de_Gomery

La "Belgica" dans les glaces antarctiques

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La Croix du Sud

17 Mai 1898

Au sud du cap Horn, la Belgica est prisonnier des glaces depuis plus de deux mois. Le trois-mâts, démuni de sa voilure aurique, ressemble de plus en plus à un navire fantôme. Sur le pont, une silhouette élancée se dresse: Adrien de Gerlache est venu se réfugier loin du carré, dans l'espoir de trouver quelque quiétude. Comment se passera ce premier hivernage en Antarctique? Aucun homme n'a d'expérience d'un si long isolement du reste du monde, sans secours extérieur possible. On ne peut compter que sur soi. Il craint que renaissent dans l'équipage, les conflits qui ont émaillé l'interminable voyage depuis Anvers. Adossé au mât de misaine, emmitouflé dans une épaisse fourrure, il contemple un paysage uniformément plat, mollement éclairé par la lune, soigneusement encadré par de lourds cordages, blancs de givre, raidis par le gel. Vers l'est, bornent l'horizon quelques aspérités, créées par la banquise et, de rares icebergs tabulaires, vêlés par les glaciers de la Terre de Graham.

 

Peu à peu le chef de l'expédition se laisse gagner par la paix du Grand Sud. Après un long moment il réalise que la nuit en Antarctique n'est nullement silencieuse. Elle lui paraît peuplée de bruits de destruction et de mort. Grondements sourds d'une banquise mouvante dont les plaques s'entrechoquent, de glace convulsée, poussée par le vent et la houle, détonations des icebergs vêlés par les calottes glaciaires. Un environnement décidément hostile...

 

De Gerlache ne peut retenir un frisson d'effroi. Tournant son regard vers le ciel, dans une nuit d'une pureté à couper le souffle, il se perd bientôt dans la contemplation de myriades scintillantes d'étoiles. A l'abri du Centaure et de La Mouche il finit par repérer les quatre étoiles de la Croix du Sud. Instinctivement il trace une ligne entre Acrux et Gracux, et depuis Acrux calcule 4,5 fois la distance entre ces étoiles. C'est la position du pôle Sud céleste.

 

Atteindre le pôle Sud de la planète Terre. C'est l'objet d'une intense compétition entre les nations. Ici, la Belgica, est en dehors du temps et du monde. Il est un peu comme une arche de Noë qui accueille à son bord, sans distinction, des hommes de nations de la vieille Europe et du Nouveau Monde. Sept hommes sont originaires de la toute jeune Belgique (de Flandre ou de Wallonie), six de Norvège, un de Pologne, un de Roumanie, et un des Etats-Unis d'Amérique. Des nations agressives ou pacifiques en cette fin de 19ème siècle, c'est selon. Mais, sur ce navire, quelle que soit leur origine, les hommes ont fini par s'unir pour une même cause, l'exploration du continent du Grand Sud. En rentrant au pays, se dit de Gerlache en caressant ses favoris, je devrais promouvoir l'idée, d'un traité international faisant de ce continent une terre de paix, dévolu à la science, et où la guerre serait interdite1.

 

De Gerlache tend soudain l'oreille. Quelques sons progressent du fond de l'horizon. Ils prennent une résonance particulière, car ils ne sont pas associés à la destruction et à la mort, mais à la vie. De Gerlache reconnaît bientôt les éclats volubiles du médecin du bord, auquel répond la voix calme et imperturbable du deuxième lieutenant. Ce sont Frederick Cook, l'américain, et Roald Amundsen, le Norvégien, qui, tirant leurs traîneaux, reviennent de leur première exploration de la péninsule Antarctique. Ils s'entraînent pour conquérir les pôles Nord et Sud. Y parviendront-ils?

1Le Traité de l'Antarctique fut conclu en décembre 1959.

 

Référence :

De Gerlache Cdt, 1902. Voyage de la Belgica. Quinze mois dans l'Antarctique. Imp. scientifique Ch. Bulens, 304p.

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